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Un personnage (2)

 

 

Nous essayons, en abordant les personnages de multiples manières, d’apprendre à les approcher, à les cerner, à s’infiltrer en eux.

Les personnages que nous évoquons nous sont souvent largement inconnus. Vous me direz que lors d’un atelier, il est difficile de rencontrer un personnage que l’on vient juste de créer.

Vous vous souvenez sans doute de ces personnages que nous avons interrogés pour faire leur connaissance, à la façon d’un policier. Et de ce personnage qui créait son intérieur et l’occupait.

Nous voici maintenant face à un ou des personnages, que nous allons rencontrer encore d’une façon différente mais toute aussi intrusive.

Et je propose, pour ceux qui sont en cours d’écriture, de convoquer à cet atelier un ou des personnages avec lesquels ils cohabitent ces temps-ci. Même si nous allons les transformer en animaux !

Aujourd’hui, le monologue intérieur se met à notre service. Notre auteur sera Franz Kafka avec sa métamorphose et nous laisserons parler la bête qui est en nous, qui est nous !

Quel animal est votre personnage ? Allez chercher au fond de lui qui il est et comment il se voit, se perçoit et ressent ce qui lui arrive. Et c’est ainsi que le monologue intérieur sera notre seule façon de l’approcher et de le connaître.

L’auteur cherche à connaître son personnage. Cette fois-ci, point de fard, il va au cœur de la bête.

 

Première ouverture : La métamorphose

Et première rencontre avec le personnage de Kafka. Ce personnage n’est pas le narrateur. Je vous demanderai de suivre cet exemple.

Et votre personnage, lui, s’exprimera par le biais du monologue intérieur.

En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu’une carapace, et, en relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun, cloisonné par des arceaux plus rigides, son abdomen sur le haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, ne tenait plus qu’à peine. Ses nombreuses pattes, lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu’il avait par ailleurs, grouillaient désespérément sous ses yeux. « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? » pensa-t-il. Ce n’était pas un rêve. Sa chambre, une vraie chambre humaine, juste un peu trop petite, était là tranquille entre les quatre murs qu’il connaissait bien.

Le regard de Gregor se tourna ensuite vers la fenêtre, et le temps maussade – on entendait les gouttes de pluie frapper le rebord en zinc – le rendit tout mélancolique. « Et si je redormais un peu et oubliais toutes ces sottises ? » se dit-il ; mais c’était absolument irréalisable, car il avait l’habitude de dormir sur le côté droit et, dans l’état où il était à présent, il était incapable de se mettre dans cette position. Quelque énergie qu’il mît à se jeter sur le côté droit, il tanguait et retombait à chaque fois sur le dos. Il dut bien essayer cent fois, fermant les yeux pour ne pas s’imposer le spectacle de ses pattes en train de gigoter, et il ne renonça que lorsqu’il commença à sentir sur le flanc une petite douleur sourde qu’il n’avait jamais éprouvée.

 

Le voilà donc, votre personnage, dans un espace que vous allez également décrire. Situez-le. Choisissez soigneusement l’animal qu’est votre personnage. Vous resterez en sa compagnie tout au long de cet atelier.

Décrivez-le tel qu’il se voit, lui.

 

 

2ème ouverture : Les autres contre soi, avec soi

 

Comment sont les autres avec votre personnage ? A lui de le dire !

Décrivez une situation et dîtes comment votre personnage la perçoit. Toujours le monologue intérieur à utiliser, même s’il n’est pas présent dans l’extrait qui suit, que je vous donne comme exemple d’une situation.

Laissez parler votre personnage.

 

Car comme on ne le comprenait pas, personne ne songeait, même sa sœur, qu’il pût comprendre les autres, et, lorsqu’elle était dans sa chambre, il devait se contenter de l’entendre çà et là soupirer et invoquer les saints. C’est seulement plus tard, quand elle se fut un peu habituée à tout cela – jamais, naturellement, il ne fut question qu’elle s’y habituât complètement –, que Gregor put parfois saisir au vol une remarque qui partait d’un bon sentiment ou pouvait être ainsi interprétée. « Aujourd’hui, il a trouvé ça bon », disait-elle quand Gregor avait fait de sérieux dégâts dans la nourriture, tandis que dans le cas inverse, qui peu à peu se présenta de plus en plus fréquemment, elle disait d’un ton presque triste : « Voilà encore que tout est resté. »

 

3ème ouverture : De l’incompréhension et de la solitude

Quelle peut être sa souffrance face à l’incompréhension ou la solitude ?

 

C’est donc Grete qui dut aller ouvrir. Le père rentrait. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » tels furent ses premiers mots ; sans doute avait-il tout compris, rien qu’à voir l’air de Grete. Elle répondit d’une voix assourdie, pressant vraisemblablement son visage contre la poitrine de son père : « Maman s’est trouvée mal, mais ça va déjà mieux. Gregor s’est échappé. – Je m’y attendais, dit le père, je vous l’avais toujours dit ; mais vous autres femmes, vous n’écoutez rien. » Gregor comprit que son père avait mal interprété le compte rendu excessivement bref que lui avait fait Grete, et qu’il supposait que Gregor s’était rendu coupable de quelque acte de violence. Il fallait donc maintenant que Gregor rassure son père ; car pour lui fournir des explications, il n’en avait ni le temps ni la possibilité. Aussi se réfugia-t-il contre la porte de sa chambre et se pressa contre elle, afin que son père, dès qu’il entrerait dans l’antichambre, pût aussitôt voir que Gregor était animé des meilleures intentions, qu’il voulait tout de suite rentrer dans sa chambre et qu’il n’était pas nécessaire de le chasser, qu’il suffisait d’ouvrir la porte pour qu’il disparût immédiatement. Mais le père n’était pas d’humeur à discerner ce genre de finesses. « Ah ! » s’écria-t-il dès son entrée, sur un ton qui exprimait à la fois la fureur et la satisfaction. Gregor écarta la tête de la porte et la leva vers son père revêtu d’un uniforme strict, bleu à boutons dorés, comme en portent les employés des banques. Sa casquette décrivit une courbe à travers toute la pièce pour atterrir sur le canapé ; puis, les mains dans les poches de son pantalon et retroussant ainsi les pans de sa longue vareuse, il marcha vers Gregor avec un air d’irritation contenue. Il ne savait sans doute pas lui-même ce qu’il projetait de faire ; mais toujours est-il qu’il levait les pieds exceptionnellement haut, et Gregor s’étonna de la taille gigantesque qu’avaient les semelles de ses bottes. Mais il ne s’attarda pas là-dessus, sachant bien depuis le premier jour de sa nouvelle vie que son père considérait qu’il convenait d’user à son égard de la plus grande sévérité.

 

Voilà une situation dans laquelle le personnage de Gregor se retrouve seul et incompris.

Mettez en avant les émotions que créent la solitude et l’incompréhension chez votre personnage dans une situation que vous lui imaginerez et qui vient à la suite de vos récits précédents.

 

4ème ouverture : Une chute à votre façon

Vous connaissez sans doute la fin de cette nouvelle. Gregor meurt. Et si votre personnage se révoltait au contraire de Gregor et prenait le pouvoir ?

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