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Atlan, Quignard, Reinhardt

Dernière mise à jour : 25 mars 2020

Ce matin le soleil peine à percer les nuages roses du levant mais la mer est juste agitée comme il faut. L’air est doux malgré le vent qui souffle vers le large. Ce matin je me sens bien et en bonne forme physique. Je suis pressé de glisser sur les flots. Après avoir longuement admiré cette baie tendrement éclairée, je dévale la pente du haut de ma colline avec ma planche à voile sous le bras. C’est le dernier modèle de skite avec son parachute ultra fin et léger. L’eau est encore tiède de la journée d’hier où il a fait si chaud. D’ailleurs je n’ai pas ma combinaison. Un maillot et un T-shirt suffisent. Maintenant le vent a déployé ma voile et je laisse dérouler le filin. Ma planche bondit sur les vagues. Je suis un poisson volant, je vis, je vole comme un oiseau jouant avec les courants aériens. Cette fabuleuse sensation d’être autre chose qu’un être humain, de dominer le vent, l’eau. Une jouissance extrême s’empare de moi. Je ne sais plus très bien qui je suis et la joie me submerge. Puis des embruns pétillent d’éclats de soleil et me disent de faire demi-tour. Je vire en tirant sur le câble et en poussant le deux pieds sur le bord de la planche et traverse encore la baie, maintenant écrasée de lumière et chauffée à blanc par le soleil. Les muscles de mon corps vibrent au rythme des vagues. A l’unisson avec mon environnement je rase l’écume blanche tout à ma satisfaction d’être un athlète prêt pour les compétitions à venir. Il ne fait aucun doute que le haut du podium m’appartient. Enfin j’entrevois l’avenir différemment. Mes parents ne m’ont jamais fait confiance. Pour eux je suis un bon à rien car les études ne m’intéressaient pas et ce depuis le primaire. Toutes mes activités leur semblaient idiotes et ne pouvaient m’attirer que des ennuis. Il est vrai que j’ai dérapé quelques fois, un peu trop fumé de hasch. Je reconnais qu’ils ont dû s’inquiéter quand je voyageais vers des pays en guerre, ou un peu trop religieux. Surtout imaginant leur désapprobation j’évitais de leur donner de mes nouvelles. Peut-être m’ont-ils cru mort plusieurs fois. Sans doute n’est-il pas facile d’être parents, quand l’enfant ne suit pas la voie tracée et espérée. Demain ils pourront être fiers de moi quand ils me verront en photo dans les journaux, une grande coupe de champion dans les bras, ovationné par la foule. Bien évidemment l’argent gagné n’est pas à la hauteur du temps dépensé mais le plaisir de pratiquer ce sport dépasse largement le travail consenti. Savoir son enfant heureux pour un parent devrait-être le principal. Enfin je crois.


Troisième ouverture.


Après avoir enfilé son scaphandre, John a déclenché la vidange de l’air contenu dans le sas. La porte coulisse ensuite lentement et silencieusement pour s’ouvrir sur un paysage lunaire. Les rayons de soleil rasant accentuent le contraste du noir de la roche et du blanc de la lumière mettant à vif les reliefs de l’environnement. Avec précaution il s’agrippe à la rampe et descend calmement les quatre barreaux de l’échelle. Pour compenser la faible pesanteur de cette lune ses gestes sont doux, étudiés. Ne pas risquer de se voir projeter au loin à cause d’un mouvement inadapté et violent. Quand il pose les pieds sur le sol et lâche son vaisseau de la main il tente un premier pas qui soulève de la poussière. Puis après avoir abaissé son pare soleil, il commence son exploration au son d’une petite musique que lui fredonne son casque récepteur. La blancheur et l’agressivité de la lumière de ce soleil l’étonne. Même s’il se sait protégé des méfaits des particules cosmiques, il éprouve un sentiment étrange qu’il n’a encore jamais connu.


Quatrième ouverture.


John perdu sur cette lune inconnue se met à penser à son fils si loin, bien agrippé à sa terre natale, lui ! En fait de terre se serait plutôt attaché à son eau, sa mer. Ils sont à des années lumières l’un de l’autre, séparés par tant de parsecs autant physiquement que moralement. Que le père pense à son fils est exceptionnel. Est-ce que le fils en fait autant ?

Yves du haut de ses 24 ans songe souvent à ses géniteurs. Très souvent même, en permanence pourrait-on dire. A sa mère d’abord. Décédée lorsque le camion fou l’a projeté dans les airs, puis quand elle a rendu l’âme après cette chute de vingt mètres. Il avait 8 ans. Il se souvient qu’elle ne voulait pas qu’il fréquente les petits voyous à l’école. Mais lui s’amusait beaucoup avec ses amis loufoques. Sa mère voulait tant qu’il réussisse dans la vie. Mais pour quoi faire. Des grandes et longues études d’où sortent nos tête d’œufs sans imagination qui plongent les gens dans le désarroi et pourrissent la planète. Alors que lui voulait s’amuser ; Puis elle est morte trop tôt. Une mère aime toujours son enfant je dirais surtout son fils unique malgré ces fréquentations ou ses actes. Maintenant qu’il est devenu bel homme, grand à la carrure d’athlète, les cheveux décolorés par le sel et le soleil, elle serait fière et heureuse si elle le voyait. Son père John avait changé de caractère depuis la disparition de son épouse. Il était encore plus taiseux qu’avant. Son métier le faisait s’absenter un an sur deux lors de ses voyages d’études extraterrestres. C’était un astronaute célèbre et un scientifique reconnu mondialement. Franchement les élucubrations de son fils l’avaient toujours dérangé. Aussi ses longues absences lui, permettaient de fuir ses responsabilités de père. Il préférait que ce soit d’abord Bernadette la mère d’Yves puis sa nouvelle femme qui s’occupe de son enfant.

Aujourd’hui, écrasé par cette lumière inquiétante, il lui semble qu’il va rencontrer sa défunte épouse. Devient-il mystique ? Lui qui ne croit en rien si ce n’est en la science. Il a aussi l’impression de capter les pensées de son fils. Les esprits se rencontrent même quand ils ne sont pas grands. Peut-être. Mais là un doute s’immisce en lui ainsi qu’une crainte grandissante. De sa vie d’explorateur, il n’a jamais vu de « petits hommes verts ». Non plus de mystérieuses manifestations car la science a tout prévue et explique tout. Bien sûr il a vécu des moments difficiles, des expériences dangereuses et pénibles mais la haute technologie lui a toujours permis de passer le cap. Il sent comme une présence, pas hostile non et avec certitude il pressent un phénomène paranormal. Pourtant l’ésotérisme l’a bien amusé pendant ses études et durant toute sa vie. Il a toujours refoulé ces balivernes.

Plusieurs fois lors de ses ébats avec le vent et la mer, Yves s’est senti partir un peu comme lors d’une extase. Cette fois encore son esprit s’aventure dans l’espace. Certains grands méditant ont décrit ce phénomène, quand l’esprit se sépare du corps et voyage dans d’autres espace-temps. Ce jour-là le fils retrouve le père dans un face à face insolite. John dans son scaphandre et l’aura d’Yves ou son fantôme. Une rencontre ourlée de lumière sur une lune inhospitalière. L’âme de la morte apparait aussi sous une forme de brouillard étrangement coloré où vibre un semblant de visage. Et le colloque se déroule rapidement sans mots entendus ni paroles prononcées. Les âmes connaissent un langage que l’humain ne saisit pas, l’amour vient anoblir et purifier la pensée. Sans savoir ce qui a été dit l’échange a pacifié la famille et chacun peut rejoindre son monde.


Patrick O

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