Rouge
- André B.
- 19 avr. 2018
- 3 min de lecture

Je marchais sur la boue des chemins, entre les flaques. Le ciel avait pleuré son chagrin à grosses larmes une grande partie de la journée. De lourds nuages sombres menaçants, poussés par un vent aigre caressaient la crête des collines qui s’étaient habillées de cendre grise. Une grande tâche rouge sang était à demi-cachée par les nuages qui semblaient s’enrouler autour d’elle, puis s’en éloigner et revenir dans un ballet incessant. J’avançais d’un pas lent et pesant dans la respiration de ce paysage, curieux mélange d’eau, de terre et de ciel, avant que le jour ne se confonde avec la nuit.
Je me sentais seul dans ce décor qui reflétait si bien ma mélancolie. Je fermais les yeux quelques instants, pris d’un vertige. Je crois que c’est à ce moment là qu’une main a saisi mon bras droit et m’a maintenu debout, à l’instant où j’allais tomber. Je ne comprenais pas ce qui était en train de m’arriver. Lorsque j’ai ouvert les yeux, une jeune femme me regardait en souriant : « Ça va, monsieur ? Voulez-vous vous asseoir un moment ? ». Je me suis tourné vers elle. Elle était vêtue d’un maillot de bain deux pièces blanc, très sexy. Sur le tissu, étaient imprimés des petits pois rouges. En m’approchant, j’ai réalisé qu’il s’agissait de petites bouches charnues et pulpeuses. La jeune femme me regardait d’un air malicieux. Elle m’apparaissait, grande, longiligne. Ses cheveux étaient remontés en chignon, maintenu par un cordon rouge. Elle m’a fait un clin d’œil en souriant.
Je ne me sentais pas très bien, tout mon corps tremblait, des bouffées de chaleur serraient ma gorge, j’avais du mal à respirer. Soudain, les branches des arbres se sont mises à tourner comme des ailes de moulin, elles ont aspiré les nuages et la tâche rouge sang pour former un immense trou noir dans lequel j’ai été projeté, à demi inconscient. Je sentais que mes pensées m’échappaient. Après une chute vertigineuse, je me suis retrouvé sur le sentier, debout, haletant mais soulagé. Quelques images floues, fugitives me sont revenues : Une jeune femme, oui, une jeune femme, un maillot de bain, des lèvres rouges sur un tissu blanc, un cordon rouge, un regard vert d’eau, un clin d’œil malicieux. J’ai tourné sur moi-même comme une toupie pour essayer de la retrouver. Personne. J’ai repris ma route, déçu, certes, mais je me sentais mieux. J’avançais lentement en reprenant mon souffle, la route était encore longue avant de rejoindre ma maison. Je me suis adressé un sourire en pensant qu’un être surnaturel, mi-ange, mi-démon, m’était apparu. Puis, là, devant moi, j’ai aperçu un corps inerte, allongé sur le sol, au bord du sentier. Le visage était dissimulé sous un foulard ensanglanté qui laissaient dépasser des cheveux blonds longs, très longs, entrelacés dans des buissons épineux, parsemés de petits fruits rouges. On aurait dit que la tâche rouge sang avait été projetée au sol pour éclabousser le paysage.
J’ai fait un pas en arrière, mes membres se sont mis à trembler. J’avais mal au cœur, j’étouffais. J’ai ouvert mes mains, elles étaient maculées de sang et un couteau est tombé à terre. Je pataugeais dans une flaque rouge. J’ai hurlé comme une bête.
Je me suis réveillé en sursaut, la pomme que j’avais commencée à éplucher a roulé sur le carrelage devant le fauteuil dans lequel je m’étais endormi et le couteau m’a échappé. Je me suis levé, j’ai ramassé le couteau et la pomme. C’était une pomme rouge.

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