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  • ARLETTE

Contes en atelier : Si Cendrillon m’était contée

Chacun de nous imagine sans peine la douleur qu’éprouve un enfant qui, encore très jeune, perd sa mère…

Eh bien, acceptons que cette idée reçue se trouve contredite. Cette enfant là semblait n’avoir éprouvé aucun chagrin, du moins n’évoquait-elle jamais sa vie d’avant le deuil et pas davantage les souvenirs de la disparue.

On pourrait penser que, ce faisant, elle voulait épargner son pauvre veuf de père… Force est de constater que tel n’était pas le cas.

Il faut reconnaître que le père éploré ne le resta que fort peu de temps et trouva sans tarder une compagne aimable et charmante dont la physionomie avenante promettait, du moins l’espérait-il, de favoriser sa petite entreprise.

L’enfant vit donc arriver au foyer cette femme qu’elle considéra avec la plus grande suspicion et à qui elle donna bien vite à voir son mauvais caractère, sa mine chafouine, son naturel boudeur et sa détermination à ne rendre aucun service ni à la maison ni dans le commerce.

De plus, circonstance aggravante, cette intruse dont elle soupçonnait qu’elle allait prendre le pouvoir et présider aux décisions pour toute la maisonnée se présentait accompagnée de ses deux filles aussi ravissantes et souriantes que notre héroïne était sournoise et fort désagréable à regarder.

L’ambiance s’était donc avérée rapidement irrespirable.

Le père, ce matin-là, fut donc à peine surpris de constater la disparition simultanée de sa fille et de son camion pizza.

Il ne se demanda même pas quel pouvait être le projet de l’enfant terrible tant il était convaincu que le seul fait de nuire à son père et à sa nouvelle famille pouvait constituer pour la diabolique un motif suffisant.

De fait, c’est le sourire aux lèvres et l’œil pétillant que la fugitive s’empara des clés et démarra sans hésitation le camion garé dans la rue adjacente à la demeure paternelle.

Elle l’avait tant de fois déplacé qu’elle n’eût aucune crainte à sortir de la ville sans anicroche, au volant de l’imposant véhicule.

Elle préféra, dès que possible, emprunter la route nationale pressentant qu’elle y serait moins facilement repérée que sur l’autoroute.

Sa grande taille, son visage ingrat et sans âge devaient, selon elle, la mettre à l’abri des soupçons de conduite sans permis.

Une grande excitation la gagna au fur et à mesure qu’elle s’appliquait à brouiller les pistes, changeant de direction à chaque bifurcation jusqu’à ne plus du tout savoir vers où elle se dirigeait.

Elle se résolut donc à stationner le véhicule sur un terre-plein en bordure d’une immense forêt.

En elle, à cet instant, pas de regret, pas de peur non plus mais un petit doute qui commençait à s’insinuer.

Il lui fallait prendre une décision, une direction. Le temps pressait, ce n’était pas le moment de s’endormir.

Elle s’assoupit pourtant puis sombra dans un profond sommeil.

Elle se trouva alors transportée dans un monde magique, celui des contes qu’elle se rappelait avoir lu dans sa petite enfance. Des fées, des génies se pressaient autour d’elle pour lui proposer leur aide. C’est vers celle qu’elle reconnut comme la fée, marraine de Cendrillon, qu’elle se tourna.

Dis-moi, mon enfant, te voilà perdue, fais-moi confiance, je vais te guider jusque là où tu rêves depuis toujours d’aller. Ne te pose aucune question, je vais t’y transporter d’un coup de baguette magique mais, en échange tu auras une dette envers moi. Une personne se présentera devant toi qui te soumettra une requête. Tu devras l’accepter. Tu reconnaitras celui dont je te parle au cœur rouge qu’il portera au revers de sa veste. Sache que si tu te soustrais à sa demande, tu tourneras à jamais en rond sur les routes qui sillonnent cette forêt.

Elle ne fut pas surprise de se trouver sur ce plateau de télévision, d’entendre le vacarme des applaudissements et de se voir décerner le prix tant convoité. Elle avait eu, depuis toujours, une entière confiance dans les fées…

Elle était donc fêtée comme lauréate du concours et sacrée « Reine de la pizza ».

Toutes ces années au cours desquelles elle avait observé à la dérobée son père dans ses préparations, où elle n’avait rien perdu de ses gestes tout en refusant de l’assister, toutes ces recherches qu’elle avait effectuées en cachette de tous, gardant secrète sa passion pour le métier, aboutissaient enfin à la consécration !

Les yeux embués de larmes, elle parvint à distinguer le chanteur préféré de son père qui s’approchait, ses yeux s’arrêtèrent sur le revers de la veste de la vedette… Le cœur rouge, il portait le cœur rouge.

Le silence se fit, la belle voix du chanteur qu’elle avait si souvent entendu entonner ces rengaines dans le camion paternel résonna à ses oreilles.

Ton succès va te faire connaître, tu auras des commandes, beaucoup de clients et de travail mais je sais qu’une fois par semaine tu te rendras disponible pour venir préparer les meilleures pizzas du monde pour le bonheur de régaler ceux qui viennent chercher un peu de réconfort aux Restos du Cœur.

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