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L’égarement

 

 

S’égarer, perdre le fil pour mieux le décrire, être dans la sensation, dans l’émotion. Loin, très loin, d’un raisonnement, d’une logique de l’écrit.

Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur un auteur, Alessandro Baricco et un livre Mr Gwyn.

 

Quatre ouvertures, quatre temps d’écriture, et par deux fois, deux façons de procéder.

Je m’appuierai également sur le texte de Claudine D. qui a véritablement inspiré cet atelier.

 

Dans la première et la seconde ouverture, vous allez vous égarer de la même façon, sauf que les thèmes évoqués seront différents.

Dans la première ouverture, le narrateur sait peu de choses du personnage dont il parle, et c’est ce qui le préoccupe. D’où vient-il ? Qu’a-t-il fait avant de rencontrer le narrateur ?

Dans la seconde ouverture, nouveau questionnement. Qui est-il devenu ? On passe du passé inconnu du personnage à un présent mystérieux. Mais plutôt que de décrire passé puis présent du personnage, nous allons choisir de nous égarer.

Baricco : Jasper Gwyn m’a enseigné que nous ne sommes pas des personnages, mais des histoires. Chacun de nous s’arrête à l’idée qu’il est un personnage engagé dans Dieu sait quelle aventure, même très simple, or nous devrions savoir que nous sommes toute l’histoire et pas seulement ce personnage. Nous sommes la forêt dans laquelle il chemine, le voyou qui le malmène, le désordre qu’il y a autour, les gens qui passent, la couleur des choses, les bruits. S’il y a une lumière qui vous ressemble, il doit aussi y avoir un bruit, un coin de rue, un homme qui marche, de nombreux hommes ou une femme seule, plein de choses.

Alors, même si cela paraît difficile, créons l’histoire de cet homme donné par Claudine, par petites touches, qui sont des bouts d’histoire desquelles il peut être absent. Il est question d’aller chercher ailleurs, et donc peut-être de s’égarer !

 

1ère ouverture :

Je n’ai jamais su exactement d’où venait cet homme, ses origines, son parcours… je ne sais pas s’il avait fait des études mais il parlait plusieurs langues et administrait efficacement le domaine de ton grand-père Richard.

Lorsque ce dernier fut retrouvé noyé sur les berges du lac Bouchette, il parcourut le canton pour se présenter en seul et unique maître des biens et des personnes du domaine de Rivière du Moulin.

J’ai parfois tenté de lui poser des questions. Il répondait que cela ne me regardait pas ou bien qu’il ne se souvenait plus.

 

2ème ouverture :

Au fil du temps, je constatais que les agissements de cet homme étaient étranges : de ses longues absences, il revenait détendu. Il fréquentait des chasseurs issus de trappeurs. C’est Nanette qui me rapportait en douce le journal. Parfois la « une » annonçait l’enlèvement et la disparition d’enfants, plus souvent des garçons.

 

Pour les deux prochaines ouvertures, nous changeons de personnage. L’un sera la narratrice, cette narratrice qui enquête, l’autre, son enfant qui va porter le poids de l’horreur. Et maintenant que nous avons appris -- un peu -- à nous égarer du récit, imaginons ces deux personnages, tels des paysages.

Mr Gwyn : Quand il a fait mon portrait, je l’ai lu, une fois terminé et il y avait un paysage, à un moment donné, un paysage en quatre lignes. Eh bien, je suis ce paysage, je suis toute cette histoire, je suis les bruits de cette histoire, son rythme et son atmosphère, je suis avec une exactitude déconcertante ce paysage, je l’ai toujours été et le serai toujours.

 

3ème ouverture :

Je menais ma petite enquête ; discrètement je furetais dans les remises. Mes soupçons s’amplifièrent et devinrent une évidence lorsque je découvris dans la cabane, à l’orée du bois, son col roulé noir souillé de taches brunes, qui enveloppait une paire de gants de cuisine, salis eux-aussi. La bêche posée à coté était enrobée de terre grasse. Je fus glacée de terreur.

 

4ème ouverture :

Tu sais Jude, ce domaine, il est à toi… tu devras le récupérer un jour.  Toi, tu portes son nom… moi, je vais m’en libérer en divorçant… oui, mon garçon il te faudra vivre avec ce lourd passé.

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