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Le résultat est infiniment plus riche que l'intention.

Claude Simon

 

 

L’amour partagé

 

 

J’ai eu envie de vous proposer ce thème, traité par un poète que j’aime tendrement, Verlaine, et qui repose tout entier dans cette image D’une femme que j’aime et qui m’aime.

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse? Je l’ignore.
Son nom? Je me souviens qu’il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

 

Je vous veux libres, sans limites, extravagant.e.s, délirant.e.s, passionné.e.s ! Dans le bonheur de l’amour partagé.

C’est bien d’une relation amoureuse dont nous parlerons. Un amour partagé !  Quels sont les premiers temps de l’amour, celui de la rencontre, de l’émerveillement, et ensuite celui de l’installation, de la fondation, de l’ancrage Qui m’aime et me comprend dit Verlaine. Est-elle brune, blonde ou rousse, à vous d’en décider.

 

Pour ce faire, votre personnage va se pencher sur son passé. L’époque vous appartient. Il aura l’âge que vous déciderez. Et il va raconter, à la première personne ou à la 3ème, là aussi, vous déciderez.

J’ai choisi pour éclairer ce thème et pousser la porte de notre imaginaire, trois auteurs d’aujourd’hui, Svetlana Alexievitch avec La fin de l’homme rouge, Claudie Hunzinger avec L’incandescente, et Fabio Genovesi avec D’où viennent les vagues, et bien sûr notre Verlaine et son rêve familier.

 

Première ouverture :

Dans le désordre des images que nous offre le poème de Verlaine, choisissons Est-elle brune, blonde ou rousse ? Cela se conjugue également au masculin ! Ce qui veut dire que vous allez commencer par la description que votre personnage va faire de la personne qui partage son amour.  Voulez-vous décrire l’autre avec les yeux de l’amour ?

Pour ce faire, appuyons-nous sur ces récits qui campent leurs personnages :

CH : Marcelle, yeux clairs embusqués dans l’aile lisse des cheveux, longue ligne d’un nez patricien, bouche avertie. Sur la seule photo que j’avais d’elle, je lui trouvais un air un peu Silvana Mangano, en plus frêle, en plus troublante. Marcelle se sentait encore une gosse, plus proche de leurs jeux que des gens.

SA : Elle avait deux nattes, une robe à pois bleus achetée la veille du départ dans un magasin pour enfants. La mer… elle nageait loin, très loin. Nager, c’était ce qu’elle aimait le plus au monde. Elle portait une robe courte. Elle avait vingt huit ans.

FG : Ses yeux sont grands, noirs, libres sous une frange qu’il aurait qualifiée une minute plus tôt de truc de gosses débiles ou de hard rockers passionnés par le Moyen Age. Il vient juste de comprendre que c’est la plus jolie coupe de l’univers, la coupe qui s’adapte le mieux au visage sublime qu’elle surmonte et au corps merveilleux que le jean et la chemise militaire ne parviennent même pas à gâcher, à ces yeux sans maquillage et pourtant splendides après une journée de travail, des yeux qui dézinguent à eux seuls l’industrie des cosmétiques et de la mode.

 

Ecrire quelques lignes qui raconteront le personnage aimé.

Deuxième ouverture :

 

On continue avec Verlaine, avec cette femme que j’aime et qui m’aime. Et là encore, vous avez le choix. Maintenant que vous connaissez ce personnage, dîtes-nous comment la rencontre a eu lieu.

SA : Le matin, je faisais de la gymnastique sous un acacia blanc. Un homme est passé, un homme au physique très ordinaire, plus très jeune. Je ne sais pas pourquoi, il avait l’air content de me voir. Il restait là à me regarder. Voulez-vous que je vous lise des poèmes ce soir ? Peut-être mais pour l’instant je vais partir à la nage, loin, très loin. Je vais vous attendre. Et il m’a attendue.

FG : C’est à cet instant-là, alors qu’il s’apprête à sortir, qu’une vague s’abat sur lui, le renverse et le jette par terre comme une chaussette mouillée. Il lève les yeux et découvre la personne qui l’a presque tué. Il a le souffle coupé. Car devant lui se tient la plus belle femme du monde. Pardon ! En général je n’assiste pas aux réunions parents-professeurs, c’est la première fois et c’est pour vous que je suis venue, donc même si vous êtes à un pas de la mort, vous pouvez prendre ça comme un compliment, pas vrai ?

Raconter la rencontre. 

Troisième ouverture :

Cette fois-ci, nous en sommes arrivées à l’ancrage, à la fondation. Qui m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

On convoque à nouveau CH : Elles vont y passer la belle saison, serrées dans un même lit, éblouies au réveil par la même lumière. Elles sortent en robe et en sandales, ou bien en pantalon, pull-over, souliers ferrés. Elles sont silencieuse, unies. Leurs cheveux unis sont un lit silencieux. Elles lisent l’Odyssée, le matin, dehors sur la terrasse ou l’après-midi quand les volets sont fermés ou le soir devant le feu qu’il faut allumer même en plein été.

 

Puis SA : C’est après qu’il est devenu beau. Avec moi. Je crois que je connais un secret. Il n’y a que l’amour qui ouvre cette porte. Uniquement l’amour. J’ai pensé à toi. Ah bon ? Et comment ? J’avais envie de marcher avec toi, de partir loin, très loin je n’ai besoin de rien d’autre, juste de te sentir près de moi. Nous avons vécu ensemble des moments de bonheur, un bonheur tout à fait enfantin. Les gens heureux sont toujours des enfants.

FG : Il lui semble que des fourmis grimpent sur ses pieds et gravissent ses jambes sous son pantalon, passent le long de ses côtes et sautent sur sa poitrine, d’où elles entreprennent de le vider de sa respiration. La voici enfin. De la végétation dense du jardin surgit une ombre de plus en plus longue et il ne faut pas d’autre indice à Sandro pour la reconnaître. Ou plutôt il ne la reconnaît pas, il sait tout simplement que c’est elle, cette façon de marcher, cette manière de pencher un peu la tête sur le côté.

Qu'est-ce qui fait la stabilité du couple ? C'est à vous, maintenant !

Quatrième ouverture :

 

Je vais vous suggérer de divaguer sur la fin du poème de Verlaine, ce qu’il laisse entendre du lien amoureux, de cette façon qu’il a de rapprocher sinon de souder l’amour à la mort. Ce qui n’est rien d’autre que mon interprétation que je vous livre !

Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la vie exila.

Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

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